À Bordeaux, cinq affiches définissant le harcèlement sexiste dans les transports sont affichées jusqu’au 15 octobre. Une façon efficace de refuser la banalisation de ces comportements, pour en souligner la gravité.

« Insister », « insulter », « fixer », « peloter » et « manspreading » : les définitions de ces harcèlements et agressions sont affichées dans les transports en commun et les stations de tram de Bordeaux jusqu’au 15 octobre. Cette campagne de sensibilisation a été lancée à l’issue de la semaine européenne de la mobilité, laquelle s’est intéressée à celle des femmes.

Le réseau Transports Bordeaux Métropole (TBM) a voulu définir la notion de harcèlement en quelques concepts clés, présentés de façon pédagogique. Et comme il l’explique sur son site, veut viser « une prise de conscience collective des harceleurs, comme des témoins ». Pour cause : une étude de 2016, « Femmes et déplacements », avait montré que plus de 80 % des femmes étaient victimes de harcèlement dans les transports de la métropole.

Une première campagne en février

Comme le Huffington Post le rapporte, lors des douze mois précédents l’enquête, sur les 4 793 femmes interrogées, 25 % avaient été victimes de « regards insistants, une présence envahissante, des sifflements ou bruitages divers ». 19,2 % des Bordelaises rapportaient également des « commentaires non désirés sur l’apparence », et 18,6 % « des contacts physiques non souhaités et/ou attouchements (mains aux fesses, dans les cheveux…) ». Enfin, 13,2 % avaient été victimes d’« insultes, menaces, commentaires injurieux », et 6,5 % de « masturbation, exhibitionnisme et/ou autres facteurs cumulés ».

Cette étude a permis une véritable prise de conscience. Christophe Duprat, vice-président de Bordeaux Métropole chargé des Transports et du Stationnement, a expliqué à Sud Ouest : « On s’est vraiment rendu compte de l’ampleur du problème à ce moment-là. C’est inacceptable, et de tels comportements ne doivent pas être banalisés. »

Pour lutter contre le harcèlement sexiste dans ses transports, le TBM avait déjà lancé une campagne percutante en février dernier. Pendant plusieurs semaines – jusqu’à la date symbolique du 8 mars –, trois visuels imitaient les listes de stations affichées dans les rames pour évoquer une agression. L’un d’entre eux nous mettait dans la peau d’un harceleur, l’autre dans celle d’une victime, et le dernier dans celui d’un témoin assistant à une situation de harcèlement sans réagir.

20 Minutes rapporte par exemple que la première commençait par un « Mademoiselle », pour se terminer par un « Réponds, sale chienne ! » Chaque arrêt marquait ainsi une augmentation de la violence, pour finir par encourager à l’action : la dernière ligne était la même sur les trois affiches, reprenant le slogan : « Stop, ça suffit  ! »

Le service de transport de Bordeaux veut continuer à marquer son engagement avec ses nouveaux visuels placardés dans la métropole. On peut toutefois regretter deux erreurs de définition : le fait que peloter soit défini uniquement comme du harcèlement (alors qu’il s’agit d’une agression sexuelle), et que le manspreading soit montré comme une exhibition, et non comme un envahissement, une monopolisation de l’espace.

Idylle, jeune Bordelaise, se dit en tout cas contente de la campagne, qu’elle a remarquée dans les transports avant de se renseigner sur le site de la TBM :

« J’ai apprécié qu’ils parlent du manspreading, je me sens légitime maintenant quand je demande aux hommes de se serrer. J’ai l’impression de reprendre mes droits dans le tram. Même si, malgré ces affiches, le harcèlement continue, je me sens prise en compte et ça fait vraiment plaisir. »

Difficile en effet à ses yeux d’espérer changer les mentalités de cette façon et de contrer l’éducation sexiste qui entraîne le harcèlement de rue et dans les transports, mais elle nous a expliqué se sentir « de plus en plus en confiance pour réclamer le respect auquel [elle a] droit avec ce genre de campagne de sensibilisation ».

L’affiche sur le manspreading a précisément montré à quel point il y avait encore du chemin à faire en matière de sensibilisation. France Info a ainsi rapporté que le forum « Blabla 18-25 ans » de Jeuxvideo.com s’en était donné à cœur joie, et les commentaires sous l’annonce de la campagne de TBM sur les réseaux sociaux parlent pour eux-mêmes.

Le réseau de transports ne compte en tout cas pas s’arrêter là. À partir du 23 octobre, il va tester une expérimentation de la descente à la demande le soir sur deux lignes de bus qui devrait durer six mois, au bout desquels un bilan sera fait. Une initiative similaire à celle qui avait été testée et pérennisée à Nantes l’année dernière. Le TBM a également expliqué que ses agents étaient « sensibilisés en interne afin d’adopter les bons réflexes » face au harcèlement. Tout le réseau de bus et tram est par ailleurs équipé de caméras, et des bornes d’appel d’urgence sont installées en stations de tram.