Qui sommes-nous

  • Une boîte de nuit située près de Nice offrait des consommations gratuites en fonction de la longueur des jupes de ses clientes, ce vendredi.
  • Les associations féministes s’insurgent, mais hésitent à porter l’affaire devant les tribunaux…
  • Une avocate spécialisée juge qu’une plainte pour discrimination est possible.

« Il y a un adage qui dit “quand c’est gratuit, c’est vous le produit” », rappelle Laureline, membre fondatrice de la Brigade Anti-Sexiste. Ce vendredi soir, au Carré Annexe, célèbre discothèque de Saint-Laurent-du-Var, le « produit » était donc… des filles en minijupes. « C’est en tout cas ce qu’on dit aux hommes qui, eux, payent l’entrée, précise la militante féministe. Ce qu’ils achètent indirectement… ce sont des femmes ! » Court-vêtues, donc.

Pour sa soirée « Oserez-vous le court », la discothèque offrait l’entrée aux filles qui portaient une jupe de moins de 25 centimètres (sans legging en dessous, sous peine de disqualification…). Et un tarif dégressif était ensuite appliqué, pour chaque centimètre de chair dévoilé. A l’entrée, un employé mesurait la longueur de la jupe et offrait tickets boissons ou bouteille de mousseux rosé. L’initiative a évidemment fait un tollé, dans la communauté féministe et bien au-delà.

L’affiche de la soirée en question… – Capture d’écran Facebook

« Comme d’habitude, on considère les femmes comme des objets sexuels, s’énerve Marie-Noëlle Bas, présidente des Chiennes de garde. D’ailleurs, sur le flyer, elle n’a pas de tête ! C’est toujours les mêmes stéréotypes : soit la maman, soit la putain ! » Mais pour elle, il n’y a pas vraiment de recours en justice possible. « Tout ce qu’on peut faire, c’est dénoncer, médiatiser ça, pour que le seuil de tolérance au sexisme baisse progressivement, reprend la militante. Mais il n’y a malheureusement pas de loi anti-sexisme, alors que ça fait 35 ou 40 ans qu’on la demande. »

« On peut s’appuyer sur les textes sur les discriminations »

Le syndicat étudiant UNEF, qui s’est opposé à plusieurs soirées étudiantes sexistes, à Bordeaux ou Grenoble notamment, nous fait sensiblement la même réponse : « C’est compliqué juridiquement… A Bordeaux et à Grenoble, on a fait couper les subventions, en faisant pression sur les universités ou les écoles », explique un porte-parole du syndicat. Evidemment, la manœuvre est impossible avec une entreprise privée.

Mais il est possible de porter l’affaire devant les tribunaux. Isabelle Steyer, avocate spécialisée et militante pour les droits des femmes, en est persuadée. « Je ne suis pas sûre que la plainte aboutirait… Mais pour moi, une entrée gratuite en fonction de la longueur de la jupe, c’est très problématique. C’est attentatoire à la dignité et c’est discriminatoire. » Et nul besoin de loi anti-sexisme, selon elle, pour faire condamner la discothèque : « On peut s’appuyer sur les textes sur les discriminations », assure maître Steyer. L’article  225-1 du Code pénal indique en effet que « toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe […] de leur apparence physique […] constitue une discrimination. »

Le propriétaire « ne voit pas la discrimination »

« Je ne vois pas la discrimination », répond, tout étonné, le propriétaire de la discothèque, contacté par 20 Minutes. Il précise d’ailleurs qu’il ne « regrette rien » : « C’est simplement une soirée à thème, un dress code, comme on fait des soirées fluo ou des soirées blanches. » On lui rappelle que, dans ce cas-là, les hommes aussi sont concernés. « Alors, si on vous suit, toutes les boîtes de nuit qui font l’entrée gratuite pour les filles seraient discriminatoires », s’agace Jeff (il n’a pas souhaité donner son nom de famille).

« Le problème, c’est qu’on n’a pas de jurisprudence en France sur le sujet, déplore Isabelle Steyer. Personne ne lance de procédure, on ne fait pas de procès pour ça… On parle beaucoup, mais personne n’essaye d’utiliser le droit ! En Espagne, les féministes se sont beaucoup battues, il existe donc maintenant une solide jurisprudence ! »