Qui sommes-nous

Depuis des années nous parlons régulièrement du déploiement des politiques de diversité et d’inclusion à l’internationale et nous réfléchissons régulièrement aux façons de déterminer des objectifs et des priorités communes à tous les pays.

Plus d’un mois après le début de la guerre, et alors que les images et les récits insoutenables de Boutcha nous parviennent, une leçon s’impose à nous.

Alors que nous parlons de « niveaux de maturité » différents sur ces sujets, de la nécessité de pouvoir ajuster les politiques en proportion des réalités et alors que nous pensions que le temps jouerait inévitablement en notre faveur, nous nous sommes trompés.

Comme beaucoup, j’ai cru pendant des années que l’interdépendance économique croissante des états et des continents entraînerait un libéralisme sociétal et une demande accrue d’égalité de la part de celles et ceux qui en sont le plus privé dans de nombreux pays autoritaires.

Nous avons donc composé avec ce principe de « maturité » en suivant la méthode des petits pas. Si l’aspiration des peuples est celle de l’égalité des droits et de la liberté de conscience, alors il nous fallait l’accompagner, la catalyser pour réussir à progressivement l’appliquer. À notre échelle, celle des entreprises, nous pouvions contribuer à ce progrès inéluctable qui devait voir l’humanité rassemblée autour de valeurs communes.

De notre point de vue, internet, avec son accès infini au savoir et à la diversité des opinions aurait dû contribuer à cette évolution et nous pensions que ce n’était qu’une question de temps avant que les peuples ne s’imposent.

Je me suis trompé, car je n’ai pas suffisamment vu comment ces espaces de liberté ont progressivement été fermés et contrôlés par certains états. Nous avons été nombreux à croire au fait que les propagandes ne convainquaient que ceux qui les véhiculaient en sous-estimant la puissance de ces fabriques de l’opinion.

Nous pensions que la répression face aux révolutions de couleur ne faisait que retarder de quelques années l’avènement de notre vision universelle, nous nous sommes trompés.

Affronter la réalité.

L’invasion de l’Ukraine par Poutine nous rappelle que nous sommes fragiles. Sans l’incroyable résistance ukrainienne, Kiev serait tombé en trois jours et toutes les valeurs que nous défendons auraient été affaiblies durablement.

Les populistes européens et en premiers lieux leurs nombreux promoteurs français auraient défendu la politique de Poutine en relayant les discours sur la décadence occidentale qui serait le fait d’une cancel culture comme l’a encore dit Poutine à ses citoyens le 25 mars dernier.

Ils auraient continué à nous expliquer que les problèmes de nos démocraties ne seraient que le fruit des conséquences de revendications de minorités qui affaibliraient l’ordre d’antan, fut-il déformé et fantasmé.

Les régimes populistes de Bolsonaro, Trump, Loukachenko, Xin Jin Ping, Poutine, Orban et j’en passe auraient été perçus comme des alternatives crédibles à nos démocraties, la force appelant la force.

La force avec laquelle ces régimes s’emploient à museler, enfermer ou faire taire les demandes de liberté et d’égalité et l’énergie qu’ils emploient à créer la division au sein de nos sociétés ne doit pas être sous-estimée.

Ouïgours, Indigènes, Noirs, Homosexuels, féministes, musulmans, immigrés… Ils auront toujours un groupe à offrir à la haine collective, accentué et instrumentalisé par la censure et par la désinformation.

Défendre notre modèle.

Cette réalité doit nous faire prendre conscience de la nécessité de défendre nos valeurs.

Si une dynamique vers des principes communs qui nous rassemblent n’est pas aujourd’hui possible par la stratégie des petits pas, nous devons alors les réaffirmer sans compromis. Si ce sont deux visions du monde qui s’affrontent, alors nous devons assumer la nôtre.

Nous œuvrons à faire de nos sociétés des modèles d’inclusion avant tout au nom de la dignité et de l’égalité des droits. Personne ne doit être entravé dans son parcours et ses aspirations au regard de ses conditions de naissance. Ce principe de non-discrimination est une promesse que nous faisons aux générations futures pour qu’elles puissent s’émanciper par leurs compétences et leur travail.

Porter ce modèle, c’est aussi retrouver nos capacités d’indignation face aux discours qui stigmatisent, enferment, réduisent ou dénigrent nos concitoyens.

Porter ce modèle, c’est tout faire pour être exemplaire ici et engager les actions qui feront toujours plus reculer les discriminations.

Porter ce modèle, c’est réaffirmer que nous ne laisserons pas le sexisme, le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie et toute forme de haine envers des groupes de personnes s’exprimer dans nos entreprises, où que ce soit.

Porter ce modèle, c’est croire que les solutions aux véritables enjeux de société adviendront parce que nous aurons été capables de dépasser nos stéréotypes, de vaincre nos préjugés et d’appendre de nos différences.

Porter ce modèle, ce n’est plus seulement considérer ces principes à l’aune des obligations légales au sein des entreprises, c’est aujourd’hui assumer pleinement ces valeurs au nom du projet collectif qui nous rassemble.

L’inclusion en soft-power.

À l’heure où il est demandé à de nombreuses entreprises de quitter la Russie, réfléchissons plutôt à ce que nous pouvons faire si elles y restent. Si la question est légitime et nécessaire vis-à-vis de la dépendance au gaz et à probablement quelques autres secteurs stratégiques, ne tombons pas dans le piège d’une réponse uniforme qui renforcerait le sentiment anti-occidental.

Contribuons, en Russie et ailleurs, à porter nos valeurs par l’exemple au sein des entreprises françaises qui y sont installées. Montrons que nous défendrons partout l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, que nous serons toujours des alliés des personnes LGBT encore trop souvent opprimées, que nous nous engageons à lutter contre les discriminations ethnoraciales en France et ailleurs. Soyons engagés en faveur de l’emploi des personnes handicapées partout où cela est possible, élargissons le congé parental dans les pays qui n’en ont pas.

Assumons que notre développement économique ne pourrait se faire sans principes et que les entreprises seront en première ligne pour les appliquer et les faire appliquer là où elles se déploient. Imposons nos critères de collaboration sur ces sujets comme nous avons su le faire sur la question du travail des enfants il y a vingt ans.

Montrons, par l’exemple de la vie quotidienne au sein de nos entreprises, que nos valeurs prennent soin des gens et respectent la dignité humaine. Montrons par l’exemple que nos sociétés sont loin des caricatures proposées par la propagande et qu’elles assument pleinement leurs héritages humanistes. Ce modèle, corollaire de nos démocraties et de nos valeurs républicaines, portons-le et arborons-le fièrement, car il est constitutif de ce que nous sommes.

Etienne Allais

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