L’article de Sylvie Boisard-Castelluccia et Delphine Van Hoorebeke : « Le management de la diversité des équipes par la contagion émotionnelle, au cœur de la performance de groupe ? » aborde la question des effets des conflits qui se créent quand des personnes diverses travaillent ensemble.

Elles nous expliquent que « le conflit cognitif est une opposition d’idées au sein du groupe, un désaccord relatif au contenu et aux aboutissements des tâches. Il naît des différences de jugement ou encore des confrontations des différentes représentations individuelles. »

Le fait que ce soit conflictuel est expliqué par la théorie de la dissonance cognitive (Festinger, 1957). Lorsque le cerveau est confronté à une vision différente de ce qu’il a appris, cela amène un malaise psychologique qui engendre une stratégie pour s’accrocher et s’auto-convaincre de sa vision initiale.

La première conséquence de la diversité est souvent la création d’un conflit qui résulte d’une manière différente de voir les problèmes et leurs solutions.

 

Le conflit crée une culture commune.

« Tout apprentissage réussi est un changement de conceptions, consécutif à des confrontations entre des informations nouvelles et le savoir antérieur de l’individu. La structure mentale de celui-ci est alors transformée et sa grille de références largement réélaborée. Chaque modification est vécue par l’individu comme une expérience désagréable. En effet, cet apprentissage va changer le sens de ses expériences passées et troubler la façon dont il interprétait la réalité.

Ainsi, en suscitant de la dissonance cognitive, le conflit cognitif va déclencher chez l’individu un apprentissage individuel qui peut prendre, selon le niveau de dissonance, la forme d’un apprentissage incrémental ou d’un apprentissage radical (Boisard-Castelluccia, 2004). L’individu apprenant modifie ou change radicalement ses représentations mentales créant ainsi de la nouveauté. On peut alors parler de créativité, elle-même source de performance. »

Le conflit est donc créateur d’une culture commune nouvelle qui deviendra source de créativité et de performance.

 

Mais attention aux conflits affectifs !

Lorsque le conflit prend une ampleur émotionnelle trop importante, il peut devenir contre-productif :

« Les membres offensés par ce qu’ils ont perçu comme une critique personnelle vont répondre par une autre attaque personnelle, en amplifiant le conflit affectif. Ce cercle vicieux produit de l’animosité et un refus de tolérer l’opposition ou de continuer à travailler ensemble. On observe alors une baisse de la qualité des solutions et une érosion de l’engagement de l’équipe. »

Dans cette situation, les auteures nous rappellent que nous avons tous et toutes des réactions biologiques. Dans une situation émotionnelle intense, c’est la partie du cerveau qui commande les émotions qui prend le dessus ce qui engendre des comportements automatiques, non contrôlables, involontaires et surtout dépourvus d’efforts cognitifs.

Pour le dire autrement, dans les situations émotionnelles trop intenses, nous réagissons sans réfléchir et cela peut souvent créer des situations de tensions difficilement dépassables par la suite.

 

Comment faire sa formation ?

Pour ma part, quand j’interviens sur ces sujets, j’utilise deux approches complémentaires décrites dans l’article.

La première fait en sorte de casser les présupposés sur le sujet dès le début de la formation par l’approche sur les biais inconscients.

Commencer par parler aux participants et aux participantes de leur cerveau crée une dissonance vis-à-vis du sujet qui permet l’effet décrit par Gjordan en 1993 :

« Il faut donc introduire, au départ de tout apprentissage, une ou plusieurs dissonances qui perturbent les conceptions mobilisées. Cette dissonance, seul moyen de progresser, crée une tension qui rompt ou déplace le fragile équilibre que le cerveau a réalisé. »

La deuxième approche intervient plus tard et utilise le conflit non émotionnel. Je reviens sur les stéréotypes entendus le plus souvent dans la société sur les femmes, les personnes homosexuelles, arabes, juives, noires, roms… Cette discussion arrive dans un moment ou le cadre permet une confiance sur le fait de ne pas être jugé ou de ne pas recevoir une posture moralisatrice du formateur. A cette étape, les personnes sont plus à l’aise pour exprimer les stéréotypes auxquels elles adhèrent.

S’en suit un échange d’arguments qui crée un conflit non émotionnel qui permet un véritable échange et donc une capacité à faire évoluer sa structure mentale et ses idées.

Cette technique, qui pourrait être qualifiée de non moralisatrice et non culpabilisante, nécessite donc de trouver un compromis entre la tension qui résulte de la discussion et la bienveillance pour permettre à chacun et chacune d’être dans un réel échange en sortant des postures sociales qui nous dominent souvent.

En conclusion, je dirais que le management de la diversité ne peut se faire que par la construction de cadres collectifs qui permettent un échange sur le sujet de façon sincère et entière, dans lesquels le conflit est encadré afin de créer une culture commune au groupe pour qu’il devienne source de performance.

 

Etienne Allais