Une révolution s’annonce sous la coupole de l’Académie française. L’institution va reconnaître officiellement la féminisation des noms de métiers dans les prochains jours.
résidente, députée, informaticienne, procureure ou encore préfète sont sur le point de s’imposer dans le langage courant. Elles rejoindront le clan privilégié des chercheuses, laborantine et infirmière.
Dans quelques jours, les membres de l’Académie française, vont officiellement reconnaître les noms de métiers féminisés. Alors qu’au Québec, en Belgique, en Suisse ou encore au Luxembourg, la féminisation des noms de métiers existe depuis les années 1970, en France, ils restaient jusqu’alors masculins.
Pourtant, cette féminisation est conforme à l’histoire de la langue française. En effet, ce n’est qu’à partir du 17ème siècle que les femmes ont été exclues d’un certain nombre de professions. C’est ainsi que petit à petit « ambassadrice » définit comme « femme chargée d’une ambassade » dans le dictionnaire de 1694 est devenue « épouse de l’ambassadeur. » La féminisation des noms de métiers est également conforme à l’évolution des mœurs.
Entre rapports de forces et conventions sociales, il aura fallu des dizaines d’années pour que la mythique institution accepte ce bouleversement de la langue française.
Pour quelles raisons les académiciens ont mis tant de temps à féminiser les noms de métiers ?
Tout d’abord, la plupart des Immortels sont fondamentalement conservateurs. « Par exemple, certains ont expliqué qu’ils n’aimaient pas « doctoresse » parce que cela rime avec « fesse », sans s’apercevoir que le terme rime aussi avec princesse ou enchanteresse ! », pointe la linguiste Maria Candea, corédactrice de l’ouvrage collectif L’Académie contre la langue française, le dossier « féminisation ».
Ensuite, l’Académie française voit d’un mauvais œil les changements linguistiques. Naturellement, ce qui est nouveau surprend, choque avant qu’on finisse par s’y habituer.
Aussi, les académiciens sont parfois un peu misogynes. « L’historien Pierre Gaxotte a affirmé en 1980 : ‘Si on élisait une femme, on finirait par élire un nègre…' », rappelle Maria Candea. La plupart de ses collègues, y compris des intellectuels réputés, comme Claude Lévi-Strauss ou Georges Dumézil, étaient également hostiles à l’entrée des femmes à l’Académie.
Enfin, comme toute institution, l’Académie française veut conserver son pouvoir. « Rendez-vous compte : dans cette affaire, l’Académie a été bousculée tout à la fois par les linguistes, les francophones vivant hors de France et même, comble de l’abomination, par l’État ! », rappelle Bernard Cerquiglini, célèbre linguiste français.