Qui sommes-nous

L’universalisme permet d’inscrire, grâce à l’héritage du siècle des Lumières, l’idée essentielle que le simple fait d’appartenir à l’Humanité nous confère des droits qu’aucun n’autre humain ne pourrait nous ôter. L’égalité en droit, fondement de notre République, nous garantit que nous serons protégés ou jugés selon de mêmes règles, quelle que soit notre condition de naissance.

Ces idées, si elles étaient révolutionnaires, ne s’appliqueront qu’aux hommes en métropole. Quelques années plus tard, l’esclavage sera rétabli et un siècle plus tard, à l’apogée du colonialisme, la vision raciste du monde exclura de fait tous celles et ceux qui furent considérés comme des « sauvages » puis comme des « indigènes ».

Il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que commence enfin le début d’une égalité progressive, indépendante du sexe ou de la prétendue race. Droit de vote pour les femmes en 1944, accords d’Évian en 1962, suppression de l’autorisation maritale pour travailler en 1965, loi Pleven qui interdit l’incitation à la haine raciale en 1972, loi « Simone Veil » en 1975…

La protection des personnes en situation en handicap s’est aussi accrue en 1975 et il faudra encore attendre 1982 pour que l’homosexualité ne soit plus un délit.

Ainsi, l’Universalisme commençait à prendre tout son sens et les évolutions législatives, souvent obtenues grâce à des mobilisations au nom de cet écart entre nos valeurs affichées et nos lois, ont contribué à redonner du sens à cet héritage.

Depuis, nous sommes nombreux et nombreuses à agir en faveur de l’égalité en nous rattachant à cette conception Universaliste de notre société. Nos singularités, qui composent nos identités complexes et parfois fluctuantes, ne doivent pas être source d’exclusions, de rejet ou de traitements différenciés face à la justice.

Malheureusement, ces normes n’ont pas permis de mettre à bas la multitude des discriminations qui surviennent chaque jour et les évolutions sociétales n’ont pas suivi nos valeurs réaffirmées. Pour de multiples raisons, les discriminations continuent de briser des potentiels et contribuent à maintenir une hiérarchie très largement influencée par le genre, l’origine ethnique, l’origine sociale…

Et il est vrai que dans l’approche de l’État, la question sociale a été prépondérante dans la plupart des débats durant de nombreuses années, occultant parfois les autres composantes des individus qui pouvaient constituer des freins supplémentaires dans leurs parcours de vie.

L’idée n’étant pas de remettre en question la prépondérance de la question sociale, les inégalités économiques restent le facteur d’explication qui prévaut dans nombres d’études et analyses. Mais les autres composantes ont parfois été sous-estimées au profit d’une lecture unique du fait social.

De nombreux chercheurs ont mis en évidence depuis longtemps que le fait d’être une femme pauvre n’était pas la même chose qu’être un homme pauvre, mais l’action publique ne s’est penchée sur la question que récemment. Le terme d’intersectionnalité, qu’on entend de plus en plus, vise simplement à dire qu’il est essentiel d’analyser les inégalités au regard de multiples facteurs pour mieux en saisir la complexité.

L’ériger ce concept d’intersectionnalité en mantra des nouvelles luttes contre les dominations n’est pas pour autant une réponse efficace. À l’inverse, écarter ce concept par principe n’est pas souhaitable. Des chercheurs ont depuis bien longtemps posé ces constats et de nouvelles études viennent nous le confirmer. Par exemple, le dernier testing conduit par les équipes de Yannick L’Horty pour le Gouvernement sur les discriminations opérées par les grandes entreprises a montré qu’une personne d’origine maghrébine originaire d’un quartier « neutre » à moins de chance d’accéder à un entretien qu’une personne d’origine européenne qui réside dans un quartier dit « sensible ». Ainsi, le patronyme a plus d’impact que l’origine sociale. Faut-il pour autant arrêter d’agir socialement dans les quartiers dits « sensibles » ? Bien évidemment que non.

Par contre, force est de constater que la réflexion et les actions pour lutter contre les discriminations ethno-raciales sont largement insuffisantes au regard de ces réalités. Cette inaction est souvent le fruit d’un déni de ces réalités, imputable à de nombreuses raisons.

Notamment le fruit de notre incapacité à créer un récit commun qui regarde avec franchise les conséquences des colonisations et des décolonisations. Il n’est pas ici question de repentances individuelles, qui n’aurait aucun sens, mais de redéfinir un projet collectif qui saurait tirer les conséquences des décisions passées aux conséquences tragiques et de l’impact actuel des préjugés issus des imaginaires forgés durant cette période.

Cette incapacité pousse certains à considérer que l’Universalisme serait un idéal atteint et que les inégalités seraient principalement le fruit de velléités séparatistes. Il en amène d’autres à refuser l’interrogation de cette histoire les menant dans des conceptions nationalistes qui galvaudent l’idéal Universaliste.

Nous sommes nombreux et nombreuses à proposer un autre projet : celui d’un Universalisme encore en construction et très largement inachevé. Celui qui n’entend pas se satisfaire des inégalités que subissent encore des millions de personnes en raison de leurs conditions de naissance, que ce soit l’origine sociale, le sexe, la couleur de peau, l’orientation sexuelle, le phénotype ou tout autre attribut qui ne détermine en rien nos capacités collectives à construire une société de semblables régie par notre dénominateur commun : notre humanité.

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