Des chercheurs français ont démontré que les adultes ont tendance à considérer que les nourrissons de sexe féminin produisent des pleurs plus aigus que les garçons. A tort.
On les savait entartrés sur la couleur des tenues des enfants ou encore sur leurs jouets, mais voilà que les stéréotypes de genre s’incrustent jusque dans les berceaux : dans des travaux rendus publics mi-avril, une équipe de chercheurs français a démontré que les adultes ont tendance à penser (à tort) que les cris de nourrissons de sexe féminin sont plus aigus que ceux des garçons. En d’autres termes, à lier gravité de la voix et masculinité. «Ainsi les adultes utilisent ce qu’ils connaissent des voix humaines après la puberté – les voix d’hommes sont en moyenne plus graves que les voix de femmes – et l’appliquent aux bébés, qui pourtant échappent à cette règle» écrit l’équipe de l’institut des neurosciences Paris-Saclay, dans ses travaux publiés dans la revue BMC Psychology (1).
Pour arriver à ce constat, les chercheurs ont commencé par enregistrer les pleurs à la sortie de leur bain de 28 bébés (15 garçons et 13 filles) âgés de quatre mois. En les décortiquant (les pleurs, pas les bébés), ils sont arrivés au constat qu’il n’était «pas possible de distinguer filles et garçons sur la base de la hauteur des pleurs». Pourtant, en faisant écouter les enregistrements à un échantillon d’une trentaine de parents, ceux-ci pensaient que les cris les plus aigus étaient ceux de petites filles, et les plus graves, de petits garçons.
Dans une deuxième expérience, les chercheurs ont présenté deux groupes d’enregistrements à leur échantillon : l’un présenté comme celui des cris de filles, et l’autre, celui des cris de garçons ; chacun mêlant cris graves et aigus. Les écoutants devaient se prononcer sur le degré de féminité ou de masculinité des cris entendus. Sans surprise, les soi-disant filles aux cris les plus aigus étaient envisagées comme les plus féminines (ce qui, soit dit en passant, demeure une notion assez floue chez les nourrissons).
La dernière expérimentation, un brin inquiétante, visait à savoir comment ces adultes interprétaient ces cris. En faisant écouter à un groupe d’hommes des braillements présentés comme ceux de filles et d’autres comme ceux de garçons, il s’est avéré que les hommes pensaient que les vociférations masculines traduisaient davantage d’inconfort. Et que donc, peut-être que les filles chouinent un peu pour rien. «Il est possible que nous passions parfois à côté du besoin réel des bébés», concluent les chercheurs. De quoi avoir soi-même envie de s’époumoner.
(1) Travaux réalisés en collaboration avec l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne, le département de psychologie de l’université du Sussex et le Hunter College de New York.