Entre vingt et cinquante entreprises de plus de 1.000 salariés vont recevoir des vrais-faux CV à partir du mois d’avril. Sans en être informées, bien sûr.
Les candidats qui portent des noms à consonance arabe sont-ils victimes de discrimination à l’embauche ? Pour en avoir le cœur net, le gouvernement va lancer une grande campagne de testing, révèle France info, lundi 21 mars. Les premiers exemplaires de CV falsifiés seront envoyés, pendant trois mois, à partir de début avril. Sont visées: entre vingt et cinquante entreprises de plus de 1.000 salariés. « Pour un même profil, deux CV seront envoyés et l’un d’entre eux portera un patronyme d’origine arabe », détaille Jean-Christophe Sciberras, le président du groupe de dialogue sur les discriminations, mis en place en 2014 et qui a travaillé sur cette campagne. « A la différence de ce que nous préconisions dans le rapport -remis à l’époque à François Rebsamen, ministre du Travail et Patrick Kanner, ministre de la Ville-, les entreprises ne seront pas volontaires mais désignées sans le savoir », a ajouté àChallenges celui qui est également DRH France de Solvay et ancien président national de l’ANDRH [association nationale des DRH, ndlr]. C’est ISM Corum, cabinet d’étude et de conseil et institut de formation professionnelle agréé, spécialisé sur les questions de discriminations depuis une vingtaine d’années, qui va mettre en œuvre l’opération dont les résultats devraient être communiqués en septembre. Si les noms des entreprises –bonnes ou mauvaises élèves- ne seront pas divulgués au public, les intéressées se verront envoyer leurs résultats. « Nous espérons qu’elles prendront les décisions adéquates en fonction », indique Jean-Christophe Sciberras.
Un deuxième rapport attendu en juin
Cette mesure de testing avait été annoncée mi-mai 2015, dans le cadre du plan de lutte du gouvernement contre les discriminations en entreprise et officialisée par le Premier ministre, Manuel Valls en octobre, pour compenser l’abandon du CV anonyme.
Le groupe de dialogue présidé par Jean-Christophe Sciberras planche, par ailleurs, sur un deuxième rapport qui sera remis à la ministre du Travail, Myriam El Khomri et au ministre de la Ville, Patrick Kanner, en juin prochain.
L’institut Montaigne s’était livré à un exercice assez similaire l’an passé, relevant, de « fortes discriminations » à l’embauche liées à la religion, surtout envers les musulmans pratiquants. Il ressortait qu’un candidat perçu comme musulman pratiquant avait deux fois moins de chances d’être convoqué en entretien qu’un catholique pratiquant (10,4% contre 20,8%). L’écart était encore plus grand si l’on isole les hommes: 4,7% contre 17,9%, du simple au quadruple.
Ces discriminations frappaient aussi les juifs pratiquants, mais moins. Leurs chances d’être convoqués étaient inférieures de 24% à celles des catholiques, un écart qui variait peu selon le sexe. Pour cette étude, la chercheuse Marie-Anne Valfort avait envoyé, entre septembre 2013 et septembre 2014, des candidatures fictives à 6.231 offres d’emploi de comptables, assistants et secrétaires comptables en métropole. Elle avait ensuite comparé le taux de convocation des candidat(e)s.
Pour la cession en cours et même s’il ne présage pas des résultats, Jean-Christophe Sciberras espère que l’opération permettra une prise de conscience dans les cas critiques.
Retrouvez la présentation du testing en vidéo: