Après trois mois de concertation avec les partenaires sociaux, le gouvernement a présenté cette semaine son plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle. Tout le monde s’accorde sur l’objectif de diminuer les écarts de salaires, mais la manière de les évaluer fait débat.
Les femmes restent toujours bien moins payées que les hommes, et cela ne change guère. En octobre dernier un rapport de l’OCDE notait que les écarts de salaires ne baissent plus depuis le début des années 2000. Pourtant en France ce principe d’égalité est depuis longtemps rappelé par la loi. Les lois, même : les textes s’accumulent depuis 1983. Par exemple, depuis 2012, les entreprises de plus de 50 salariés ont l’obligation de négocier un accord sur l’égalité professionnelle. Or seules 39 % d’entre elles l’ont fait. Et surtout, la plupart de ces accords ont peu d’effets concrets, comme l’a montré une étude récente intitulée « l’égalité professionnelle est-elle négociable ? » commandée par la Dares à des chercheurs – économistes et politiques- du Centre Maurice Halbwachs . Elle relève entre autres le manque de données chiffrées, le peu de suivi, ou encore d’enveloppe de rattrapage des salaires.
Comment – comme l’avancent la ministre du Travail Muriel Pénicaud et la secrétaire d’Etat en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa, rendre enfin la loi effective ? L’idée du gouvernement actuel pour résorber les écarts salariaux, c’est de faire en sorte que les entreprises n’aient plus seulement une obligation de moyens, comme c’est le cas actuellement, mais bien de résultats. L’exécutif prévoit d’intégrer cela dans la future loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Sur le papier, l’objectif d’égalité est plutôt consensuel, mais au moment d’en définir les modalités de mise en oeuvre, cela se complique. Pour l’instant ces dernières restent floues.
Quels critères pour mesurer les écarts de salaires ?
L’idée générale, c’est d’avoir une méthode de calcul des écarts de salaires et de la déployer dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés, d’ici 2020. Les entreprises auraient alors trois ans pour faire des rattrapages de salaires, sous peine de sanctions financières. C’est là que les questions commencent : à quelle mise en conformité seront contraintes les entreprises ? Autrement dit, comment seront évalués les écarts de salaires à combler ? De la méthode retenue dépendra l’efficacité, et surtout la portée de la mesure. Pour la définir d’ici l’été, une mission a été confiée à la DRH France de Schneider Electric. Certains critères font consensus- diplôme, âge, catégorie d’emploi. Mais pour d’autres, comme l’ancienneté, l’expérience ou encore la complexité des tâches effectuées, c’est plus compliqué.
Si l’on regarde l’écart de salaires entre femmes et hommes à poste et âge équivalents , il est en moyenne de 9%.
L’Observatoire des inégalités a réalisé un état des lieux précis des différents chiffres et de la manière de les présenter.
Se concentrer sur le seul chiffre de 9 % ne suffit pas à résoudre la question des inégalités salariales. Car il ne correspond qu’à une partie des écarts : la discrimination pure, dite « inexpliquée ». Or il existe par ailleurs tout un tas de causes, bien connues, à l’origine des inégalités. Les femmes sont plus souvent à temps partiel (choisi ou imposé par l’employeur), font moins d’heures supplémentaires. Elles accèdent plus difficilement aux promotions – d’où cette question, faut-il regarder les écarts de salaires à un instant donné ou la carrière dans le temps ?
Travail égal ou de valeur égale
Surtout, l’objectif est souvent résumé par cette phrase : « à travail égal, salaire égal ». Seulement ce dont parle la loi, c’est d’égalité de rémunération à travail égal ou « de valeur égale ». Et c’est précisément là que le bât blesse. Certains emplois sont majoritairement occupés par des femmes, et d’autres davantage par des hommes. Chaque branche professionnelle établit des critères de compétence et de rémunération minimum par métier. Or les emplois les plus féminisés sont en général sous-valorisés. C’est ce qu’ont exploré dans leurs travaux les chercheuses Rachel Silvera et Séverine Lemière. Dès lors, avancer qu’une tâche est moins complexe peut suffire à « justifier » en quelque sorte, un salaire moins important. Ces métiers se retrouvent structurellement moins bien payés. Dire qu’un homme et une femme doivent avoir un salaires égal pour un travail identique ne résout pas ce problème.
C’est donc à cela qu’il faut s’attaquer préconisent, comme ces chercheuses, de nombreux économistes. Dans une tribune publiée en avril dernier, un collectif de chercheurs préconisait « de décider collectivement que les métiers traditionnellement très féminisés ont une valeur économique supérieure à celle qu’ils ont aujourd’hui. » L’égalité salariale n’est pas l’égalité économique.
Catherine Petillon