En préalable, il est important de rappeler que la Cour de cassation est la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français. Elle a pour mission d’unifier et de contrôler l’interprétation des lois pour garantir une égalité de traitement devant les juges.

 

Les faits :

Un intérimaire poursuit l’entreprise dans laquelle il a effectué deux missions de 18 mois chacune pour discrimination à l’embauche en raison de ses origines.

Il argue du fait que de nombreux intérimaires ont été recrutés sur la période et qu’ils seraient recrutés de façon discriminatoire envers les personnes d’origine extraeuropéenne.

Pour argumenter, il présente une analyse onomastique à partir des patronymes du registre unique du personnel. Celle-ci montre que parmi les intérimaires, 18.07% de ceux qui avaient un patronyme européen se sont vus proposer un CDI contre 6.9% de ceux qui avaient un patronyme extraeuropéen. Par ailleurs, l’étude indique que les personnes avec un patronyme d’origine extraeuropéenne représentaient 8.17% des intérimaires contre 2.12 % des CDI pour les mêmes postes.

Sur cette base, la cour d’appel de Chambéry reconnait que le plaignant a été victime de discrimination à l’embauche.

La société se pourvoit en cassation sur plusieurs éléments et notamment en invoquant que le recours à des statistiques en raison des origines seraient interdits et contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

La décision de la Cour de cassation :

Dans ses conclusions, la Cour indique retenir les analyses produites à partir des patronymes du registre du personnel et en déduit que les éléments laissaient supposer une discrimination à l’embauche en raison des origines. Elle indique aussi que les éléments apportés par l’employeur n’étaient pas suffisants pour justifier une absence de recrutement discriminatoire.

La Cour valide donc le principe de l’utilisation de l’analyse patronyme ou, pour le dire différemment, la réalisation et l’utilisation de statistiques ethniques pour mettre en évidence les discriminations liées aux origines.

Au passage, la décision nous rappelle que c’est bien à l’employeur d’amener les preuves suffisantes qu’il n’a pas discriminé. C’est le principe d’aménagement de la charge de la preuve en matière civile dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Quelles conséquences ?

Cette décision n’est pas une véritable surprise, car l’analyse patronymique est déjà utilisée depuis plusieurs années à des fins de mesures des inégalités d’origines et la méthode a été « officialisée » par le Défenseur des Droits et la CNIL.

C’est donc une confirmation par la Cour de cassation de la possibilité d’avoir recours à ces analyses pour prévenir ou démontrer des pratiques discriminatoires.

Par contre, cela montre aux employeurs qu’ils ont intérêt à réaliser eux-mêmes de ces analyses afin de prévenir les inégalités d’origines, au risque de se retrouver dans la même situation que l’entreprise de cette affaire.

Plus d’informations ici :

https://entre-autre.fr/analyse-patronymique/

https://www.courdecassation.fr/decision/63997d50b7ec7f05d42d8201