La foncière Gecina, l’assureur CNP, le producteur d’électricité Engie, le fabricant de cosmétiques L’Oréal, le géant de la restauration collective Sodexo: « Les cinq premiers du palmarès 2016 de la féminisation des grandes entreprises représentent presque tous les secteurs d’activité », se réjouit Floriane de Saint-Pierre, présidente d’Ethic & Boards, qui a réalisé la quatrième édition de cette étude, dont Challenges est partenaire, pour le ministère des familles, de l’enfance et des droits des femmes. « Ce résultat, dans lequel on retrouve des entreprises engagées depuis longtemps en faveur de la féminisation, montre bien que toutes les entreprises peuvent y arriver. C’est une question de volonté et d’anticipation ». A condition que le PDG lui-même donne le « la ». « Il faut que la volonté vienne de haut pour que la dynamique s’engage », constate la ministre, Laurence Rossignol.
Loin devant Londres et New York
En 2016, les entreprises du SBF 120 ont donné un coup d’accélérateur aux nominations de femmes dans leurs conseils: 110 femmes nommées pour 68 hommes, alors que l’écart restait limité jusqu’à l’année dernière avec 73 femmes pour 75 hommes en 2013, 78 pour 69 en 2014, et 80 pour 75 en 2015. Il s’agissait, pour ces grands groupes, de se mettre en situation d’atteindre dans les délais prévus le quota de 40% de femmes fixé par la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011. Selon ce texte, les entreprises visées par la loi – celles qui emploient plus de 500 salariés et dont le chiffre d’affaires dépasse 50 millions d’euros – devront se conformer à cette règle au 1er janvier 2017. Or, seules six entreprises du CAC 40 étaient déjà prêtes l’an dernier: Kering, Publicis, Engie, BNP Paribas, Société générale et Danone. Le mouvement s’est donc accéléré et des noms de femmes ont été proposés massivement au vote des actionnaires lors des assemblées de 2016. Résultat: au 15 septembre, les entreprises du SBF 120 affichent un taux de féminisation moyen de 38% de leurs conseils d’administration ou de surveillance, contre 33,3% en 2015. Des chiffres qui placent l’indice boursier de Paris loin devant ceux de Londres et de New-York, où nul quota n’est en vigueur: 26,7% de féminisation des conseils pour les entreprises du FTSE 100, 23,1% pour celles du DJIA.
55,3 ans d’âge moyen
Conséquence de ce rattrapage, une nouvelle hausse du cumul de mandats chez les femmes: seules 72% des administratrices nommées en 2016 n’exerçaient pas encore de mandat – contre 82% pour les hommes. Quant aux autres, 22% d’entre elles exerçaient déjà un mandat (15% pour les hommes), 3% en exerçaient deux (3% aussi pour les administrateurs), et 3% au moins trois autres (aucun homme nommé en 2016 n’étant dans ce cas), à l’instar de Clara Gaymard. L’ancienne présidente de GE France est entrée au conseil de Bouygues en 2016, alors qu’elle siégeait déjà chez Veolia Environnement, LVMH, Danone et Sages – tout en présidant le Women’s Forum et le fonds de dotation Raise. Autres particularités des profils féminin nommés cette année: si l’on compte à peu près la même proportion de femmes que d’hommes originaires de la finance ou du juridique (respectivement 37,2% et 35,3%), les administratrices sont recrutées plus souvent dans la technologie et les médias (18,2% vs/ 13,2%) ou dans les milieux académiques et scientifiques (6,4% vs/2,9%), conséquence directe de l’étroitesse du « vivier » féminin dans l’industrie et l’énergie (6,4% seulement des administratrices, contre 19,1% des administrateurs). Agées de 55,3 ans en moyenne, les administratrices restent plus jeunes que les hommes (60,8 ans) mais, pour la première fois depuis 2013, la proportion de femmes étrangères baisse légèrement, à 33,1% (34% en 2015), tandis que la proportion de nouveaux administrateurs non français remonte, à 24,9% contre 24,1% l’an dernier.
En imposant sa loi en 2011, Marie-Jo Zimmermann, députée (LR) de la Moselle, faisait un calcul à long terme: il s’agissait, en introduisant des femmes dans les conseils de déclencher la féminisation de l’ensemble de la gouvernance des entreprises. Le principe étant que des comités de nomination exclusivement masculins ne contribuaient pas spontanément à la féminisation des postes de direction. Or, le palmarès 2016 reste sur ce point décevant: alors que de 2013 à 2016, le taux de féminisation des conseils est passé de 26,2% à 38%, celui des Comex n’a augmenté que de 12% à 14,9%, et celui du « Top 100 » (l’encadrement), de 18,5% à 22%. « Le mouvement est engagé mais ça ne va pas assez vite », estime Laurence Rossignol, pour qui le sujet « n’est pas une affaire consensuelle ». Il n’est néanmoins pas interdit d’être optimiste, car 36,7% des membres des comités de nomination sont aujourd’hui des femmes, et 32,7% de leurs présidents sont des présidentes. « Il y a plus de présidences féminines que dans les comités d’audit, et je trouve ça formidable », résume Floriane de Saint-Pierre. Se montreront-elles solidaires ? C’est à voir.