De nombreuses études ont montré le lien direct entre la performance des salariés et la qualité de vie au travail. Stress, mauvais équilibre vie professionnelle –vie privée, ambiance délétère, ces éléments sont aujourd’hui reconnus comme ayant un impact direct sur la qualité de vie au travail et donc sur la performance des salariés.

 

Parmi les éléments qui relèvent de la QVT, le sens donné à son travail est essentiel. Des études sur les biais inconscients ont montré que notre cerveau a besoin de sens pour réussir à accomplir une tâche.

 

Albert Camus dans le Mythe de Sisyphe, pointait déjà cela en 1942 :

« Les dieux avaient condamné Sisyphe à rouler sans cesse un rocher jusqu’au sommet d’une montagne d’où la pierre retombait par son propre poids. Ils avaient pensé avec quelque raison qu’il n’est pas de punition plus terrible que le travail inutile et sans espoir. »

 

Ce manque de sens est éminemment lié au manque de reconnaissance ressentie par de nombreuses personnes dans leur travail. Une enquête de la CFDT auprès de 200000 personnes montre que 42% des sondés cochent « le manque de reconnaissance » suite à l’affirmation « ce qui me met en colère au travail, c’est d’abord : ». De même, si vous tapez « reconnaissance » sur google, la première proposition est « reconnaissance au travail ».

 

Mauvais managers ou biais inconscients ?

Avant de répondre à cette question, il faut rappeler que nous reproduisons souvent les schémas que nous vivons. Si un ou une manager est renvoyée à ses échecs et s’il ou elle manque de reconnaissance dans son travail, il y a fort à parier qu’il ou elle agira de même.

 

Quel que soit notre hiérarchie, nous sommes influencés par des biais inconscients. Notre cerveau traite 11 millions d’unités d’informations de façon inconsciente et seules 40 d’entre-elles sont traitées de façon consciente, selon un psychologue américain.

 

Le biais de négativité est un des ennemis du manager. Certaines études ont montré qu’il faut cinq expériences positives pour compenser une expérience négative.

 

Sans nous en rendre compte, nous passons donc plus de temps à parler des expériences négatives que celle positives, même si ces dernières sont plus nombreuses. La reconnaissance étant la capacité à pointer ce qui fonctionne bien, ce biais inhérent aux humains nous montre combien nous pouvons encore progresser.

 

Quelles solutions ?

La première étape est la prise de conscience de ses biais. Ils nous influencent dans tous nos rapports aux autres. Préjugés, stéréotypes, a priori, méconnaissance… notre vocabulaire est rempli de notions qui traduisent l’influence des biais sur notre perception des autres. Comprendre notre fonctionnement permet déjà une évolution de nos pratiques. Si j’ai conscience d’avoir des stéréotypes sur une catégorie de personne et que j’essaye de comprendre pourquoi, j’aurai déjà un regard modifié. De la même manière, si je suis alerte sur le biais de négativité, je serai plus attentif aux éléments positifs.

 

La seconde est de redonner du sens. Quel est l’objectif d’une direction des ressources humaines si ce n’est de réfléchir à l’organisation collective du travail et de définir les valeurs du management qui en découlent ?

 

Un bon exemple sur ce sujet est celui du télétravail. Un ancien DRH expliquait avec justesse récemment qu’il y a 10 ans, lorsqu’un salarié demandait du télétravail il était souvent pris sous l’angle de la défiance vis-à-vis de l’implication réelle qui en découlera. Quelques années et de nombreuses études plus tard, de nombreux DRH sont dans un processus inverse, car ce sont eux qui incitent au télétravail.

 

Le sens a été priorisé vis-à-vis du risque, car des études ont montré que s’il y a de l’abus comme dans tout système, la confiance et la reconnaissance restent le premier moteur de l’implication pour une majorité des personnes.

 

Et maintenant ?

De nombreux chantiers s’ouvrent à l’aune des avancées scientifiques. Pendant longtemps on a voulu forcer l’objectivation des pratiques par la mise en place de process, de procédures ou de tableurs Excel à rallonge. Si l’objectif est noble, il a eu comme conséquences pour de nombreuses personnes de faire perdre le sens du travail. Ces éléments sont devenus pour beaucoup la pierre de Sysiphe.

 

Objectiver les prises de décision pour accentuer le sentiment d’équité et de reconnaissance ne passera que par la prise de conscience de l’intérêt de la démarche par les managers et les décideurs.

 

Les ateliers et les formations sur la prise de conscience de ses biais inconscients sont une des solutions, car comme le dit très bien Mahzarin Banaji, chercheuse en psychologie sociale à Harvard :

« La première étape pour mettre en échec les préjugés cachés (inconscients) est d’être honnête avec soi-même. Les préjugés font partie de la nature humaine. La seule raison d’avoir honte est de ne faire aucun effort pour s’améliorer. Et l’être humain est une espèce évolutive : nous nous améliorons à tous les égards depuis des millénaires. »

 

Etienne Allais

Retrouvez ce billet sur LinkedIn