40 entreprises ont été conviées au ministère du Travail pour examiner leurs pratiques d’embauches.
Les noms de celles qui ne s’amélioreront pas seront rendus publics.
C’est le genre de courrier qu’un PDG n’aime pas recevoir, même quand son entreprise n’a rien à se reprocher. Le ministère du Travail a écrit à 40 dirigeants d’entreprises, avec copie à leur DRH, pour les « convier » ces jours-ci rue de Grenelle afin d’examiner en détail leurs pratiques en matière de recrutement. Ou plutôt en matière de lutte contre les discriminations à l’embauche.
Ces 40 PDG ont tous comme point commun de gérer plus de 1.000 salariés. Mais surtout, d’avoir été sélectionnés sans le savoir pour la campagne de « testing » annoncée par Myriam El Khomri en début d’année. Et pour ajouter au suspense, les courriers ne disent rien de l’évaluation de leur entreprise : celle-ci ne leur est dévoilée qu’au bout de 20 minutes d’entretien, une fois présentés le protocole utilisé, les résultats globaux, et la façon dont tout cela s’est passé !
Outre leur caractère antirépublicain, les discriminations en matière d’emploi coûteraient à la France près de 7 % de PIB, soit 150 milliards d’euros, selon un récent rapport de France Stratégie, un organisme placé sous la houlette de Matignon. Le patronyme étant une source importante du mal, le ministère du Travail a lancé en début d’année deux campagnes de « testing » anonymes, suivant en cela les préconisations formulées en 2015 par le groupe de dialogue piloté par Jean-Claude Sciberras. « Les discriminations ne sont pas la conséquence de politiques de recrutement ouvertement racistes ou sexistes, mais de successions de petites décisions, de préjugés, parfois de petites lâchetés », avait alors déclaré Myriam El Khomri.
La première campagne a ciblé la fonction publique et ses résultats ont été rendus publics à l’été.
Pas de deuxième chance
La seconde s’est attaquée au privé, ses résultats sont tout chauds, mais le ministère a préféré jouer la conviction plutôt que de lâcher en pâture les noms des mauvais élèves, ce que les Anglo-Saxons appellent le « name and shame ». D’où les 40 courriers. « Il vaut mieux chercher des solutions plutôt que des coupables », appuie le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger.
Voilà pour la méthode. Mais qu’en est-il des résultats ? A ce stade, rien n’a filtré, et pour cause : seule une poignée de personnes ont vu les annexes, c’est-à-dire les fiches de chaque entreprise. Les résultats, dit-on, sont très contrastés, difficilement extrapolables d’un cas à l’autre, ce qui rend vain toute tentative de « benchmark », et même pour celles qui s’en sortent bien, les procédures de recrutement ne sont pas toujours exemptes de zones de hasard.
Et après ? L’objectif affiché par le ministère est d’obtenir de chaque entreprise qu’elle s’engage sur des corrections, quand des corrections sont nécessaires, avec une date de revoyure à la clef d’ici au début de l’année prochaine. Gare alors à ceux qui ne joueraient pas le jeu : il n’y aura pas de deuxième chance, a averti Myriam El Khomri, qui s’est dite prête à pratiquer le « name and shame » à cette échéance. Xavier Darcos s’y était essayé en 2010 pour désigner les entreprises ne négociant pas sur le stress, mais il avait dû vite battre en retraite sous la pression patronale.
Alain Ruello, Les Echos