«Free to Run» ou l’histoire de la course à pied au cinéma
Il y a 40 ans, la course à pied était encore considérée comme un acte marginal, une pratique quasi déviante cantonnée aux athlètes masculins et à l’enceinte des stades. Free to Run, le documentaire du Suisse Pierre Morath qui sort en France ce mercredi 13 avril, retrace la fabuleuse épopée de ce sport solitaire devenu un phénomène de société.
Courir pour se sentir vivant. Le documentaire Free to Run témoigne de l’essor de la course à pied et des luttes sociale et politique d’une époque, les années 1960-1970. Aujourd’hui, cette discipline est en partie rattrapée par l’esprit mercantile.Un combat au féminin
L’une des images fortes du documentaire reste celle d’une femme, Kathrine Switzer, cheveux au vent et dossard 261 en évidence, qui participe au marathon de Boston au milieu d’hommes. Elle est bientôt agrippée, et presque stoppée, par un vieux monsieur en costume qui tente de l’exclure de la course.
Nous sommes en 1967 et à cette époque, les femmes n’ont pas droit de cité dans les courses longues distances. Les médecins l’affirment : « trop de masse grasse, trop d’émotivité» chez elles. Aux Jeux olympiques, les épreuves dames ne vont d’ailleurs pas au-delà du 800 mètres. Alors, courir 42,195 km, la longueur d’un marathon…
Il faudra attendre les JO de Los Angeles en 1984 pour voir un marathon féminin. La lutte des femmes donc, et leur place dans la société à travers le sport, est l’un des éléments traités dans ce documentaire de 1h40. Mais il n’est pas le seul.
Dans Free to Run, on comprend pourquoi la course à pied est devenue un espace de liberté pour tout un chacun. Dans les années 1960, ce sont des hurluberlus, des excentriques qui courent baskets aux pieds dans les rues. Certains ont tellement honte qu’ils courent la nuit pour ne pas être vus.
« En m’intéressant à ce sujet, j’ai été surpris de voir comment la course à pied qui est un sport simple véhiculait des combats et des valeurs », dit Pierre Morath qui a travaillé sur 6 000 heures d’archives.
Le besoin d’être ensemble
« La course à pied, c’est autre chose que le marathon de Paris ou de New York. La course à pied, c’est un sport très simple et qui touche de plus en plus de part justement sa simplicité », confie Pierre Morath. Selon lui, le phénomène des grandes courses répond en partie à ce besoin d’être ensemble. D’ailleurs, en dehors des Kenyans qui ouvrent la course, le niveau est de plus en plus faible.
« Aujourd’hui, plus de neuf millions de personnes courent en France mais seulement 20% ont accroché un dossard. Ce qui veut dire que l’immense majorité des gens qui courent le font pour eux », explique-t-il. Il ajoute : « Il y a dix ans la dernière chose qu’aurait fait un adolescent c’est courir. Et maintenant la course à pied est un sport de sociabilité même pour eux ».
Et ce phénomène touche tous les continents. « Moi qui ai pas mal voyagé en Afrique, il y a dix ou quinze ans, jamais je ne voyais des gens aller courir le week-end pour leur santé ou leur plaisir. C’est totalement nouveau », avance le réalisateur.
Si le système capitaliste a plus ou moins perverti l’esprit libertaire de la course à pied, ils sont encore nombreux à vouloir lacer leurs chaussures de sport pour vivre la sensation de liberté que procure la course à pied. En forêt, dans la montagne, dans un parc, à chacun son rythme, pourvu qu’ils aient l’ivresse. L’esprit de liberté reste au centre de ce documentaire passionnant et inédit qui fera certainement date.
Free to Run de Pierre Morath, en salle le 13 avril, durée 1h39.