Aujourd’hui, de plus en plus de personnes sont conscientes des inégalités de genre, la parole des femmes se libère, les espaces de discussions pour aborder ces questions se multiplient. Néanmoins, d’après le « baromètre sexisme 2024 du HCE », le sexisme ne recule pas. Alors comment expliquer ce paradoxe ? Comment expliquer que malgré la prise de conscience de nombreux hommes et femmes sur cette thématique, les avancées ne soient pas plus nettes, plus rapides ? Comment expliquer que des hommes et des femmes qui se déclarent ouvertement contre le sexisme continuent de discriminer ou à avoir des comportements sexistes ?

Une des explications repose sur la persistance des stéréotypes dans nos représentations, et par conséquent dans nos actions. Nous avons toutes et tous des biais cognitifs et notamment des stéréotypes qui peuvent continuer à construire des préjugés et au bout du bout, nous conduire à discriminer positivement ou négativement une personne. Notre cerveau utilise des raccourcis pour nous permettre d’analyser une situation plus rapidement. Pour survivre, il fallait réagir vite et ces biais nous permettent encore aujourd’hui de nous protéger d’un danger. Mais, ils ont parfois aussi des conséquences destructrices dans la vie des individus. Ne nombreux biais inconscients peuvent expliquer ce phénomène comme le biais de confirmation, d’affinité, de statut quo ou encore la théorie de l’identité sociale. Je vous propose d’aborder aujourd’hui les conséquences des stéréotypes associés à la virilité et de faire un focus sur le biais de genre associé à celui de la conformité.

Les stéréotypes liés à la virilité ont une forte influence dans les comportements masculins ainsi que dans certaines attentes féminines. Traditionnellement dans la majorité des sociétés occidentales la virilité était associée à des caractéristiques physiques particulières (muscle et puissance sexuelle) et à certains types de comportements (force, courage, fermeté).  Il est néanmoins intéressant de se rappeler que les marqueurs de la virilité ont varié selon les lieux, les époques et les classes sociales. En effet, à la renaissance puis à l’époque des lumières, la puissance virile associée aux chevaliers est remise en cause car considérée comme brut et sans délicatesse pour les belles choses. A partir du XIXs la virilité reprend les codes du modèle guerrier des grecs et des romains.  La virilité se manifeste dans les professions symbolisant l’ordre et la hiérarchie et dans la répartition des rôles entre les femmes et les hommes. Les femmes étaient dédiées à la maternité et à l’entretien du foyer tandis que les hommes s’occupaient d’assurer la sécurité économique et physique du foyer. Aujourd’hui certains hommes possèdent toujours cette représentation et peuvent se sentir atteints dans leur virilité si leur femme gagne plus d’argent qu’eux ou si elles sont plus musclées, plus fortes. Jusqu’à il y a peu de temps, il était inconcevable pour un homme de demander un mi-temps pour s’occuper de ses enfants ou encore de participer de manière équitable aux tâches ménagères. Cette représentation de l’homme viril et fort s’est traduite par une organisation sociale et juridique fondée sur la détention de l’autorité par les hommes et par l’exclusion explicite des femmes : le patriarcat. De ce fait, les hommes cumulaient les pouvoirs : domestiques, politiques et religieux, pendant que les femmes en étaient exclues. Lutter contre le sexisme pour les hommes, c’est se heurter à ces représentations et organisations sociales très ancrées et donc très difficile à dépasser.

Aujourd’hui, de plus en plus d’hommes et de femmes sont conscients de cette organisation injuste de la société et de ces représentations faussées et souhaitent les dépasser pour aller vers plus d’équité. Alors comment expliquer que des hommes attentifs à ces stéréotypes continuent d’avoir certains comportements sexistes. Une des explications réside dans le biais de conformité. Il a été démontré que les individus qui ne se conforment pas aux normes de leur groupe souffrent de diverses conséquences négatives. Ils sont souvent peu appréciés, on leur assigne des emplois de statut subordonné, ils sont victimes de pressions à la conformité et, dans certains cas, ils sont exclus de leur propre groupe. De nombreuses études ont montré que les femmes qui ne se conforment pas aux stéréotypes traditionnels : sociable, douce, compréhensive, sont sanctionnées par une partie de la société et sont parfois victime de discriminations. De la même manière, pour certains hommes, parfois il peut apparaitre comme plus facile de se conformer à ce que les autres attendent d’eux plutôt que de s’y opposer et de se risquer aux regards ou réprimandes de ses collègues. Il est plus facile de rire aux blagues sexistes répétées que d’exprimer à l’ensemble du groupe que ces propos ne sont pas respectueux vis-à-vis des femmes et que cela contribue à maintenir un climat sexiste dans l’entreprise.

Si le sexisme perdure alors que de nombreux combats sont menés, c’est entre-autre à cause de la pression sociale et de l’effet de groupe.  Il n’est pas toujours facile de s’émanciper de tous ces biais qui viennent entraver nos actions au quotidien, que l’on soit conscient de ces sujets ou non. Depuis de nombreuses années, la lutte contre le sexisme s’est faite par et pour les femmes.  Néanmoins, il semble peu probable que la société puisse éradiquer ces phénomènes sans la contribution active de l’autre moitié de la population : les hommes. Pour lutter contre le sexisme il est important que les femmes mais aussi les hommes osent s’opposer à ces stéréotypes/biais, osent proposer une nouvelle organisation plus équitable de la société.  Cette implication forte des hommes rendrait injustifiable les comportements sexistes des autres hommes et permettrait d’inverser la tendance. Pour faire société, il est important d’agir les uns avec les unes, et non en opposition. Nous avons toutes et tous à gagner à proposer une société où chacun et chacune pourra exercer le métier qu’il ou elle souhaite, indépendamment des injonctions sexistes de la société. De nombreux hommes souffrent de ne pouvoir être plus présents pour leurs enfants, pendant que de nombreuses femmes rêveraient de métiers plus en connexion avec leurs centres d’intérêts.

Vous vous demandez comment agir concrètement ?

La prise de conscience à l’échelle individuel de nos stéréotypes et de nos biais est l’une des premières étapes afin de pouvoir réagir. Il est primordial que les femmes s’autorisent à s’opposer aux comportements sexistes, même si c’est inconfortable, et qu’elles se retrouvent dans une situation minoritaire. De la même manière, il est fondamental que les hommes s’opposent aux comportements sexistes d’autres hommes sans avoir le sentiment de perdre leur virilité. Ces actions au quotidien sont souvent difficiles à mettre en place mais plus nous seront nombreux et nombreuses à réagir plus les comportements non sexistes deviendront la norme.

Pour aller plus loin, il est important d’agir dans l’entreprise. En effet, nous passons plus de la moitié de notre semaine sur notre lieu de travail, agir au sein de notre entreprise est indispensable. Il est prouvé que lorsque la direction d’une entreprise s’implique sur ces sujets, que des formations sont mises en place, que des campagnes d’affichage sont proposées, que des référents sur le sexisme désigné etc. alors la dynamique de l’entreprise change. Les équipes sont plus ouvertes et attentives à ces questions : les RH penseront plus facilement à des femmes pour des postes à responsabilité, la parole sera plus facilement donnée à des femmes en réunion, etc…

entre-autre vous propose des formations sur les biais de genre où sont abordées les représentations sexistes chez les hommes (ouvert aux hommes et aux femmes) pour déconstruire concrètement ce biais de conformité. Nous avons une approche non culpabilisante, centrée sur l’écoute et la prise de conscience plus poussée de ces phénomènes. Nous vous apporterons des éléments concrets pour changer les choses dans votre quotidien professionnel. N’hésitez pas à nous contacter.

Anne-Sophie Cosnard

anne-sophie.cosnard@entre-autre.fr